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Etats des lieux des consciences : étudiant.e.s rennais.e.s et Travail du Sexe par Malo Toquet

 

 

Toi qui me lis, tu as peut-être fait partie de ceux dont les confinements à répétition ont fait perdre l’emploi, que tu sois vendeur.euse, intérimaire, moniteur.ice ou baby sitter. Parfois tu as pu bénéficier de l’aide gouvernementale à l’attention des jeunes ayant perdu leur emploi… et parfois non. 

Parmi, les malheureux.se.s qui se retrouvent sans ressource, on trouve une profession que l’État n’a aucun mal à ignorer pour la simple raison qu’il  va jusqu’à nier sa propre existence. Je veux parler des travailleur.euses du sexe. Putes, gigolos, camgirls, dominatrices et autres joyeux drilles sont plus nombreux.se.s qu’on ne pourrait le penser parmi nos condisciples, est-ce à dire que leur présence est relativement acceptée sur les campus ? C’est ce que révèle l’étude du Beaulieusard réalisée sur les trois gros campus (R1, R2, le campus du centre et quelques électrons libres) avec en tout la participation de 275 étudiant.e.s. Les campus sont généralement réputés être des havres de tolérance en matière de sexualité, cette tolérance s’applique-t-elle à la sexualité rémunérée ? C’est ce que nous verrons.

 

Qui s’intéresse au travail du sexe ?

 

L’étude est intéressante tout d’abord quand au profil des sondé.es. En effet,

sur l’effectif total, 70 % des sondé.es affirmaient être des femmes, soit une

large majorité. Cela semble indiquer que aujourd’hui encore, alors que les

consommateurs de sexe tarifé sont majoritairement des hommes, leur étude

n’est pas particulièrement attractive ou peut-être, si l’on veut être optimiste,

que  les femmes sont particulièrement intéressées par la question car davantage

sensibilisées au thèses féministes.

Autre élément intéressant, 7 % des sondé.es affirment rejeter le système binaire

soit… 20 personnes dont un « poisson-cyborg-wifi qui ressent les séisme ». Bon,

ok, c’est pas grand-chose, mais ça fait déjà un peu de trouble dans le genre

comme on dit, c’est déjà ça… Enfin, pour l’anecdote, on peut indiquer que si 44%

des sondés venaient de Rennes 2, 40 % de Rennes 1 et 7 % du campus du

centre, on a aussi un.e petit.e rigolo.te dont le lieu d’étude est, je cite, « La

Toyota de Génération Identitaire ». On l’embrasse et on lui souhaite bien du courage.

 

Qu’est-ce que le travail du sexe ?

 

Quand on entre dans le vif du sujet en matière de travail du sexe, se pose le problème de la définition. Pourquoi parler de travail du sexe et non de prostitution déjà ? A l’origine de cette dénomination, il y a une volonté de faire groupe, de tirer des fils entre divers métiers centrés sur la sexualité.

Par ailleurs il y a aussi la volonté de ses membres de revendiquer leur statut de prolétaire et donc leur légitimité à exiger des droits. La création du STRASS, Syndicat du Travail du Sexe va dans le même sens. Dès lors, qu’est-ce qui relève du travail du sexe ?  Pour ce qui est des étudiant.e.s rennais.es, vous avez considéré en grande majorité que les prostitué.es de rue ou indoor, les envois de nudes rémunérés et les call et cam girl.boy relèvent du travail du sexe (80 % ou plus). Vous êtes plus mitigé.e.s sur les strip teaseur.euses (52%), et les escortes (il est vrai que la définition de cette activité est plutôt floue). Enfin, vous considérez globalement que le mariage économique (se marier contre le financement de son train de vie c’est à dire, selon la définition de Virginie Despentes, s’assurer un statut social « en échange d’un certain nombre de corvées assurant le confort de l’homme à des prix défiant toute concurrence, y compris les corvées sexuelles. »). La réponse est en débat parmi les travailleur.euses du sexe. Certain.es voudraient mettre fin au tabou social en prenant une définition la plus englobante possible. Toutes les femmes ou presque seraient des travailleuses du sexe d’une manière ou d’une autre car dans un monde où être une femme est une entrave, utiliser sa disponibilité sexuelle comme monnaie d’échange est bien plus courant qu’on ne peut le supposer.

D’un autre côté, faire de tout un chacun un.e TDS (travailleur.euse du sexe), revient à dire que personne ne l’est vraiment, or pour certain.es personnes offrir des services sexuels est véritablement une activité professionnelle. En guise de définition, on peut donc reprendre celle du STRASS qui cite dans une liste non-exhaustive « les prostituéEs (de rue ou indoor), les acteurTRICEs porno, les masseurSEs érotiques, les dominatrices professionnelles, les opérateurTRICEs de téléphone/webcam rose, les strip-teaseurSEs, les modèles érotiques et les accompagnantEs sexuelLEs.

 

Travailleur.euses du sexe et vendeur.euse chez Macdo, même combat?

 

Maintenant, qu’on l’a défini, il est tant de déterminer comment les étudiant.e.s rennais.es perçoivent le TDS. Pourquoi cette place laissé au jugement de valeur me direz-vous ? Parce que ça me semble intéressant de faire de temps en temps un état des lieux des consciences et, au passage, de faire naître d’éventuels questionnements. Ainsi, pour entre 44 % et 55 % des étudiants sondés considèrent que cette activité est dégradante. Beaucoup conditionnent ce jugement à la nécessité économique : si le TDS est le résultat de la précarité, alors il est dégradant car les travailleur.euses du sexe sont « obligé.e.s » de faire ça. Cette opinion témoigne donc encore d’une réticence à vendre ce service car ce qui est approuvé, ce sont des personnes s’adonnant au sexe sans nécessité économique… et qui ont donc moins d’intérêt à devenir TDS: elles n’ont pas besoin d’argent, pourquoi ne pas simplement coucher gratuitement ? Pour le reformuler, c’est le mécanisme même du travail qui est condamné par 55 % de mes condisciples. Ce n’est pas que je veuille me faire le défenseur du travail (loin de là), mais personne ne va travailler comme caissier.e chez Auchan par passion pour les caisses enregistreuses, personne ne « s’amuse » à se lever à 4 heures du matin pour être près à vendre son pain aux clients. Est-ce à dire que le métier de caissier.e et de boulanger.e sont dégradants car ils sont conditionnés par une nécessité économique ? Ça se discute je pense.

Dans un monde idéal, personne n’aurait besoin de se soumettre à l’aliénation moderne qu’est le travail, mais le capitalisme est ainsi et pour survivre dans le monde contemporain, la majorité des gens vont devoir travailler. Dès lors, la question demande à être reformulée : Étant entendu que le capitalisme nous accule presque à la nécessité de travailler, est-ce plus épanouissant d’être intérimaire dans une usine de produits chimiques ou de passer son temps à s’envoyer en l’air et à offrir de la tendresse à des gens rendus hagards par les pressions de toutes sorte ? La réponse tombe sous le sens, mais encore faut-il accepter de la voir. La question de la paye est intéressante de ce point de vue. Il convient d’admettre que la polymorphie du métier empêche de définir des prix fixes d’où la variétés des réponses proposées. Il n’empêche que vous considérez tous que la paye d’un.e TDS est bien supérieure à un SMIC allant facilement jusqu’à 100euros de l’heure. A propos de son expérience comme prostituée, Virginie Despentes écrit « Ce qu’on ramenait en quarante heure de trime ingrate était offert pour moins de deux heures ». Pour les moins bons en calcul mental, ça fait 400 euros pour deux heures. Vu d’ici, avoir un emploi précaire dans une boîte de vautour comme MacDo est moins attirant.

 

Cachez cette putain que je ne saurais voir !

Bon, il convient de nuancer un peu notre propos, je ne taxe évi

demment pas les étudiant.e.s de Rennes de réactionnaires.

Le diagramme ci-contre le prouve, à la question « Le travail du

sexe devrait être prohibé pour son amoralité ? », seuls 12 %

sont d’accords, une proportion très inférieure à celle qu’on pourrait

relever au sein de la population française. Cette opinion désormais

minoritaire relève de ce qu’on appelait le prohibitionnisme, un

courant de pensée qui voit en la prostitution un acte d’avilissement

et d’opprobre (deux mots compliqués en une seule ligne, chapeau

l’ami). Bien que la politique gouvernementale se revendique plutôt

de l’abolitionisme2, le délit de racolage public fait de la France un

pays prohibitionniste de fait (CocoricOoOoO). Vous l’imaginez bien,

le prohibitionnisme est traditionnellement véhiculé par les religions

monothéistes qui déterminent l’acte de luxure comme le péché originel. La laïcisation progressive de la société française et les coups de boutoirs (c’est le cas de le dire) des révolutions sexuelles qui déculpabilisent la sexualité récréative ont grandement affaibli la pensée prohibitionniste mais elle demeure dans les milieux conservateurs et dans notre imaginaire collectif. Si on était débarrassé de la pensée prohibitionniste, il ne serait pas plus insultant d’être un.e fil.le de pute qu’un.e fil.le d’ingénieur.e informaticien.ne et on pourrait se gratifier positivement de « pute » comme le suggère l’humoriste Marina Rollman :

 

«Chantal, félicitation pour ta promotion, tu vas faire ça comme une pute ! 

Je te remercie Magalie, si je ne suis que la moitié de la pute que tu es, je serais déjà bien fière. »3.

 

Abolitionnisme : le travail du sexe est fondamentalement violent et inégalitaire

 

Bon, globalement, les campus de Rennes ne voient pas les travailleur.euses du sexe comme des créatures douteuses et amorales qu’il faut punir. La tendance change radicalement quand on présente les prostituées comme des victimes de leur situation. On a tous en tête le destin tragique de la jeune fille isolée sous l’emprise d’un proxénète, notamment des sans papier.e, dont les ressources en France dépendent presque exclusivement du bon vouloir de quelque maquereau. Tous ces gens aux rêves brisés n’ont « pas le choix » parce qu’iels ont des bouches à nourrir. Les exemples dans la production culturelle sont innombrables depuis cette pauvre Esther dans la série Downtown Abbey qu’on voit fuir l’aide des honnêtes gens en pleurant ou la jeune Sylvie du livre les Colonnes de feu de Ken Follett, réduite à la mendicité par l’injustice des méchants catholiques.

                                                                          Ainsi, 31 % de nos condisciples se disent favorables à l’abolition du                                                                              travail du sexe en vue de protéger les prostituées des proxénètes                                                                                et de leur client, 40 % sont contre et 30 % s’abstiennent. La                                                                                        réponse est donc bien plus mitigée et j’imagine que vous avez                                                                                    compris que cet état d’esprit me laisse un peu perplexe. Quoi donc ?                                                                            Le journaliste sort de sa tour d’ivoire d’objectivité ? Pas du tout,                                                                                  prenons simplement un peu de recul. Quand on veut protéger les                                                                                membres d’un secteur d’activité, est-ce qu’on supprime le secteur                                                                                en question où est-ce qu’on légifère pour le rendre vivable ? Par                                                                                  ailleurs, toute l’attention des politiques publiques est braquée sur les                                                                            réseaux de traite humaine, est-ce à dire qu’il s’agisse de la seule                                                                                  réalité du métier ? À titre de comparaison, le secteur textile repose                                                                              sur certaines entreprises très douteuses en termes de droits humains. Zara, Uniqlo, Nike, Adidas, Gap font tous appel à la main d’œuvre Ouïghour par exemple. Or non seulement, le secteur textile n’est pas aboli dans sa totalité pour lutter contre ces entreprises criminelles mais en plus il n’y a pas de policier à l’affût des clients sortant du magasin pour leur mettre une amende (peut-être devraient-ils). Ma démonstration n’est pas de dire, le monde est horrible, mais bien au contraire d’appeler l’État à faire le tri entre les structures sans éthique (les réseaux de traites et Nike) et celles qui auraient besoin d’un statut (le textile équitable et les tds du coin). D’autres part, la chasse au client et au proxénète a un impact évident sur les tds qui doivent travailler dans des conditions toujours plus précaires et subissent régulièrement les persécutions de la justice et de la police. J, une cam girl rennaise écrit ainsi :

« Maintenant, même si je ne pratiques plus, beaucoup de gens viennent pour me demander conseil, que je donne volontiers. On a besoin de partager les bonnes pratiques à ce propos pour éviter de se mettre en danger vis-à-vis de notre sexualité ou de nos clients. Malheureusement, partager la moindre information sur ce sujet est illégal en France parce que ça tombe sous les lois sur le proxénétisme. Ces lois mettent donc directement en danger les jeunes personnes obligées à se lancer seules dans ce métier. »

Par ailleurs, il y a dans la réflexion abolitionniste un autre argument qu’il me semble important de citer. Selon certains abolitionnistes, le travail du sexe consiste en une réification du corps de la personne et même d’un viol qui tait son nom car le consentement ne peut venir que de deux individus ressentant du désir. Or le tds ayant en vue une rémunération, ce n’est pas par désir qu’iel prend part à l’acte sexuel. La question de la réification pour commencer est complexe, un.e danseur.euse qui offre une prestation sur scène peut être considéré sous le prisme de la réification : iel se donne en spectacle est devient pleinement objet du regard du spectateur. Pour autant, il existe une relation au-delà de ces statut de regardeur/regardé, un cadeau fait par l’un, une attention donnée par l’autre et un lien de sympathie qui les unit. De même dans le travail du sexe, le/la professionnel offre une prestation qui n’est pas exempte de sympathie. A, une étudiante tds témoigne :

« Je me mettais dans la peau d'un personnage que j'avais construit et que j'adorais. Donc j'arrivais à dissocier ces attaches. Cependant je ressentais tout de même une grande sympathie, parce que je suis comme ça, je n'arrive pas à entièrement détacher le travail de la réalité et ces personnes me touchaient. C'étaient principalement des personnes seules qui avaient besoin de socialisation, d'écoute, de considération »

Pour cette même raison, parler de viol est sans doute arbitraire : certes les partenaires ne nourrissent pas un désir de même nature, est-ce pour autant qu’il n’y a aucun désir ? À cette même question voici ce que répond A :

« Ben c'était consenti, agréable, doux. Pas un viol. Une autre forme de relation sexuelle. »


 

Vive les bordels, à bas les MST ! Ou Le réglementarisme

 

Pour autant, comme on l’a vu, la réponse abolitionniste n’est pas tranchée dans

les universités rennaises. Si elle rencontre un grand nombre d’avis favorables,

on est encore loin d’une majorité. Or, si une proposition remporte bien l’adhésion

d’une écrasante majorité, c’est bien la suivante : « Le travail du sexe devrait

être réglementé et encadré pour protéger les tds et réaliser des suivis médicaux

(contrôle des IST) ». Cette proposition relève très clairement du courant

réglementariste, le deuxième grand courant de pensée traditionnel quand on

parle de travail du sexe, avec, je vous l’accorde, un peu d’humanisme en plus.

Qu’est-ce que le réglementarisme ? C’est un très vieux courant de pensée (on

le trouvait même en Grèce antique) selon lequel la lutte contre la prostitution est

impossible et en elle-même non souhaitable. Nombreux sont les dirigeants politiques à avoir envisagé la réglementation de la prostitution comme un « mal nécessaire » pour une raison d’ordre public (réduction des viols et de l’adultère féminine) et selon une approche hygiéniste (contrôle des populations sensibles aux IST, enquêtes sanitaires). Il s’agissait moins finalement de venir en aide aux travailleur.euses du sexe que d’affermir sa mainmise sur une population perçue comme utile et dangereuse. Bon, c’est vrai que j’ai un peu piégé mes sondés avec cette proposition. C’est sans doute par pur altruisme que près de 90 % d’entre eux se sont montrés favorables au réglementarisme, d’autant plus que la formulation « pour protéger les tds » est difficilement contestable. Pour autant, il convient de pointer la dimension un peu paternaliste de la proposition : nous, jeunes éduqué.es à qui l’avenir sourit (ou pas), nous souhaitons « protéger » les tds et notamment contrôler de près leur maladies parce que leur métier est pas très sérieux. Selon la formulation du STRASS : « Le réglementarisme est donc le contrôle du travail sexuel par l’État et va à l’encontre de la liberté et de la capacité d’agency des travailleurSEs du sexe, dès lors définies comme une population spécifique à encadrer, à contrôler, et de ce fait infantiliser. ». 


 

Ni abolitionniste, ni réglementariste, SYNDICALISTE !

 

Admettons que ma formulation était piégeuse. Comment expliquer dans ce cas les résultats de la proposition suivante : « Le travail du sexe devrait être réglementé et encadré pour que les tds obtiennent des droits sociaux (retraite, congés, instances syndicales reconnues) et améliorent leurs conditions de travail (locaux, horaires, protection) ». Certes, une écrasante majorité des gens restent favorables à la proposition (environ 75%), mais c’est tout de même 15 points de pourcentage inférieur à la précédente proposition, essentiellement par la disparition d’une partie des avis « très favorables”. Qu’est-ce que ça signifie ? Bon, déjà, la dimension un peu gauchiste de la proposition en a peut-être douchés certains (« Oh non, encore des putains de syndicalo-bolcheviks ! »). Pour autant, ce qui a peut-être plus fondamentalement mis mal à l’aise les sondés (qui, je le répète, sont encore pour 75 % favorables), c’est la banalisation du travail du sexe. Finalement, tous va bien à partir du moment où on affirme la différence (/l’infériorité?) du travail du sexe qui ne peut pas être un métier comme un autre parce qu’il faut bien sûr être désespéré pour en arriver là (la phrase est ironique si vous n’aviez pas compris). C’est une façon de dire que, NON, le/la prostitué.e ne peut pas être considéré.e comme un.e travailleur.euse honnête.

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Contre-chants : le libéralisme et l’anarchisme en berne

 

                                                                             La proposition « Le travail du sexe devrait pas être encadré et régi                                                                               par des lois car cela ne concerne pas l’État » a fait moins d’émules                                                                               (10 % d’avis favorables ou très favorables) ce qui semble indiquer                                                                               que peu de libéraux purs jus ont répondu au sondage et le suivant                                                                               « le travail du sexe ne devrait pas être encadré et régi par des lois                                                                                pour préserver la liberté des tds » montre qu’il y a un peu plus                                                                                   d’anarchistes pur jus (24 % d’avis favorables ou très favorables).                                                                                 Je m’attarde un peu sur cette dernière proposition pour dire                                                                                         qu’effectivement certain.es militant.es n’ont plus suffisamment de                                                                               confiance en l’État et préfèrent voir les tds s’organiser dans la clandestinité. En effet, qui dit réglementation, dit aussi mécanismes d’exclusions, notamment à l’encontre de populations déjà discriminées qui sont massivement représentés parmi les tds comme les trans ou les sans-papier.e : si il faut une carte d’identité ou un entretien d’embauche pour devenir tds, c’est probables qu’iels seront pénalisés. J (toujours la cam girl rennaise) affirme donc : 

« En tant que personne trans avec un handicap psychique, c’était la manière la plus simple pour moi d’obtenir de l’argent quand j’en avais besoin ou que j’avais envie de me faire plaisir. Je pouvais être totalement flexible sur mes horaires, travailler selon mes envies, choisir mes clients et le cadre dans lequel je voulais travailler. Peu d'emplois officiels permettent ça de manière rentable. »

La réponse est donc complexe et sera probablement problématique mais la posture de l’État ne me semble pas pouvoir être pire que telle qu’elle est aujourd’hui alors n’ayons pas peur et changeons le monde.

 

Êtes-vous le/la travailleur.euse du sexe de demain ?

 

Bon, ma démonstration serait plus propre si je m’arrêtais là mais ma conscience journalistique m’oblige à apporter une petite nuance finale. Tout le monde a son avis sur la question du tds mais ça peut être intéressant de voir comment on réagit quand on est soi-même confronté au choix. Qui parmi nous serait prêt à l’issu de cette réflexion à se prostituer : 73 % des sondés répondent non. Pourquoi ce non massif malgré la sympathie témoignée à l’encontre travail du sexe ?  Si on voulait faire un jugement à l’emporte-pièce on pourrait dire que ça se résume en deux mots, les bons sentiments. Autrement dit « les travailleur.euses du sexe sont des personnes comme les autres et il faut aider à normaliser ce métier mais moi je suis pas une pute parce que je me respecte ». En effet, environ 44 % des sondés affirment ne pas pouvoir devenir tds pour préserver l’estime d’eux-même. Autrement dit, le tds reste à leurs yeux une dégradation morale. Pour autant, je pense que cette explication est loin d’être suffisante. En premier lieu, il y a la peur du danger qui constitue un frein pour 67 % de nos condisciples. Cette peur est en bonne partie légitime car dans un monde ou être un homme c’est prendre ce que l’on veut, de gré ou de force, le/la tds peuvent aisément être perçu comme des cibles toutes trouvées. Pour autant, il me semble que cette peur est surestimé au sens ou le travail du sexe est effectivement dangereux mais à peine plus que le reste du monde. Quand on sait que le sacro-saint couple hétéro tend à se révéler comme un des lieux privilégiés du viol, on se rend compte que les violences au sein du travail du sexe sont effroyablement ordinaires. Par là-même, il est injuste d’en faire un espace particulièrement touché. Pour autant ce dernier point apporte une autre explication : nombreuses sont les personnes à m’écrire que leur rapport à la sexualité est trop douloureux ou désagréable pour l’envisager comme le cœur de leur métier. En effet, cet « acte d’amour » tant valorisé par les représentations culturelles est source d’angoisse pour notre génération : trop de pression et trop de violences font des relations sexuelles une source de cauchemars. En outre, il ne faut pas sous-estimer non plus la part de la population que l’acte emmerde foncièrement et qui vivent très bien leur vie sans sexe, dans ce cas pourquoi se taper des gens quand on s’ennuie au lit ? Pour l’argent ? Certes c’est une explication valable. 

 

Sur cette ultime boutade je vous laisse mais je conclus avec le témoignage de quelques étudiant.es tds rennais.es :

« En tant que tds, c'est une expérience qui a changé ma vie en mieux. J'ai gagné en confiance en moi. [...] Mon corps était un outil de travail, et j'avais construit une distance psychologique nécessaire avec ce que je risquais de me prendre en pleine face (jugement, insultes des proches ou non, manque de respect de certains clients) et donc je l'ai très bien vécu. Je me suis découverte et j'ai compris plein de choses dans mon rapport aux autres. Au monde. Avec mon corps etc »

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